Le Monde des Livres
14/04/2017
Combler un manque de poésie
par Éric Loret
Histoire d’un livre. Yves di Manno et Isabelle Garron ont fait le choix de la vigueur pour composer « Un nouveau monde », anthologie des poètes français contemporains.
Le titre est alléchant. Un nouveau monde, on a toujours l’impression que c’est devant. Territoire de conquêtes, faune, flore et mœurs inconnues. Et puis c’est à la fois un peu inquiétant, car c’est comme une « nouvelle » maison : il va falloir y habiter, vu qu’on a définitivement quitté l’ancienne. De fait, quoique révolu (1960-2010), le « passage anthologique » que proposent Yves di Manno et Isabelle Garron a toutes les chances d’être un nouveau monde pour ceux qui, de la poésie contemporaine, n’ont abordé que les collections de poche et le Printemps des poètes : il leur semblera être passé dans une autre dimension.
Cela faisait plusieurs années qu’un panorama des poésies actuelles n’avait pas été constitué. Etant directeur de la collection « Poésie » chez Flammarion et donc, comme il le dit, « juge et partie », Yves di Manno confie qu’il voyait au départ le projet sous un angle rétrospectif. « Mais l’idée de traiter un demi-siècle était tentante. Même si, pour les quinze dernières années, on manque de recul. » D’autant que la théorie semble éteinte depuis le début des années 2000 et le moment où « une néo-avant-garde » préconisait « poésie action », « idiotie » philosophique et littéralité.
Les académismes pour repoussoir
Cette défection n’est cependant pas très grave pour se figurer Un nouveau monde, car si le volume a d’un côté pour repoussoir les académismes, il s’arrête de l’autre au pied de la théorie « dure » qui a pourtant jalonné la période : le point de vue, rappelle Isabelle Garron, est « celui de deux auteurs impliqués dans l’écriture de poésie ». Il s’agit de proposer « en priorité une expérience des textes. Mais de nombreux vers dans les poèmes inspireront,…